DOCTEUR ANTIGONE. Ou comment la tragédie grecque peut éclairer la réflexion éthique aujourd’hui ?
Congrès 2016 Société Française de Soins Palliatifs (SFAP)
Site de la Société Française de Soins Palliatifs (SFAP).
Conférencier :
Roland Chvetzoff, PhD (1)(2)(1) Cabinet LATITUDE SANTE, 38460 Trept.
(2) Faculté de philosophie université Lyon 3, Institut de Recherches Philosophiques de Lyon (IRPhil), 69007 Lyon.
Résumé :
DOCTEUR ANTIGONE. Ou comment la tragédie grecque peut éclairer la réflexion éthique
aujourd’hui ?
« Docteur Antigone est un conte philosophique qui se passe en 2020, dans un grand hôpital, à
Paris. La loi sur la dépénalisation de l’euthanasie et du suicide assisté vient d’être
promulguée. Un médecin de soins palliatifs, le docteur Antigone, décide de continuer les
soins de son patient, malgré la décision contraire du Directeur et de la Commission des
Libertés Ultimes des Usagers (CLUU) créée pour encadrer cette loi ».
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L’objectif de Docteur Antigone est de penser la question de l’institutionnalisation de l’éthique
en santé. En s’appuyant sur les tensions et conflits pouvant exister entre les Autorités de
santé, la direction et les médecins ou soignants, Docteur Antigone tente de montrer l’étroitesse
de l’angle d’engagement, la contradiction entre un devoir fini et une exigence infinie de chacun
des acteurs.
Docteur Antigone donne à penser les situations éthiques pour lesquelles aucune réponse pratique
n’est possible, amenant ainsi les professionnels vers un impossible. Des impasses
éthico-pratiques que les principaux concepts de la réflexion éthique n’éclairent plus, ou
unilatéralement selon un éthos soignant exclusif : le « bien traiter », le « bien soigner », le
« bien vieillir », le « bien mourir », enfin le bien en général. Or la question éthique ne se
pose que par le fait que le mal existe, et que le mal est possible.
Docteur Antigone intègre dans sa construction même le fait qu’il existe dans la société en
général et le soin en particulier des conflits insolubles. En conjuguant la conflictualité avec
la démocratie, c’est la démocratie elle-même qui s’installe et se consolide dans un renoncement
et un deuil de la Vérité : Antigone a raison, mais Créon n’a pas tort.
Il nous a semblé que Docteur Antigone était une bonne manière de discerner cette conscience en
germe dans la réflexion éthique actuelle. Cette conscience consiste dans la recherche d’une
qualité narrative de l’expérience où la vie et l’action demandent à être racontées. Ce processus
rhétorique de l’éthique narrative autorise alors un processus de subjectivation des
professionnels par une ouverture du champ des possibles de l’agir et transforme le dilemme
éthique initial en un monde devenu habitable [5]. L’enjeu est ainsi de transformer les
professionnels de santé en créateurs afin d’éviter qu’apparaisse un mal profond et radical : que
plus rien ne puisse arriver. À eux de s’interpréter par le texte, à eux de faire usage des
textes. Car un avenir programmé, calculable par les ingénieurs, techniciens et « qualéthiciens »
des machines à guérir hospitalières, ce serait l'annulation de l'avenir. L’avenir doit rester
incertain, incalculable, irréductible à aucun programme.
Voir la recension du livre Docteur Antigone.
Mots clés :
Fin de vie ; Ethique ; Euthanasie ; Impasse éthico-pratiques ; Tragédie grecque.